Cher journal.
Comme le temps passe vite. Cela fait près d'un an maintenant que j'ai quitté le foyer. Je me souviens du jour où j'ai franchi la grille qui séparait la demeure familiale du monde extérieur.
Ce jour-là, j'étais seul, encore et toujours. Personne n'a voulu me saluer. Normal, puisque j'ai voulu partir sans prévenir personne. Ni Père, ni Mère, ni même mon propre frère jumeau ne m'auraient compris. Et au final, même après un an, je ne leur demande pas de me comprendre. Ainsi commençait mon pélérinage hors de Geffen...
Cela fait désormais un très long moment que j'écris sur ces pages. Pourtant, après moult relectures, je remarque que je n'ai jamais parlé de moi. Ce que je suis et ce à quoi j'aspire. Peut-être sont-ce les blessures de mes quelques années d'existence qui m'ont poussé à rester si secret, même envers un livre.
Et il est toujours des moments où l'on a envie de se confesser, que ce soit via un prêtre où via toute autre manière. Bien que je sais pertinemment que personne n'est supposé lire ce livre, l'envie me prend de laisser une trace écrite de ma petite histoire passée...
Ironie non ? Je commence un bouquin sans prendre le temps de me présenter. Il est temps de rattraper mon erreur...
Mon nom est Malbius Aulin. Je suis le descendant d'une très longue lignée de magiciens reconnus. Nombre d'entre eux se firent un nom pour diverses raisons. Il n'est pas rare de croiser un membre de ma famille. Comme on le devine, ma famille est noble. Qu'elle soit méritée ou non, c'est une position qui a plutôt tendance à m'agacer. Certes, être un "aristocrate" a de nombreux avantages : on peut se targuer d'appartenir à un rang qui vous fournira métier et avenir prometteurs. Pourtant, le revers de la médaille est bien lourd... Le monde noble n'est fait que de complots et d'hypocrisie gratuite.
Oui, la noblesse est un domaine empoisonné par ceux qui la composent. Un concept infecté dès la racine, où tout est faux... Un concept qui a réussi à me forger un caractère de misanthrope...
Car oui, je n'aime pas les gens. Les différentes personnalités que je connais se glissent derrière un masque qui ne les représente pas. Derrière ces tons mielleux se cachent des êtres plus abjects les uns que les autres. Des êtres que je n'avais aucune envie de cotoyer plus longtemps.
De plus, j'ai reçu à ma naissance ce privilège que d'avoir ce don inné pour la magie. Je ne pourrai pas l'exprimer clairement mais je ressens depuis ma naissance ces présences que le commun des mortels ne peuvent percevoir. Peut-être est-ce le sang des Aulin qui coule dans mes veines. Après tout, je veux devenir magicien...
Mais dès que l'on est considéré comme un "surdoué", même malgré soi, on provoque peur et méfiance de la part d'autrui. Sentiments qui finissent par devenir réciproques et qui, au final, se transforment en médisance totale.
Oh, je rassure quand même mon noble lectorat, c'est-à-dire personne. Il est des personnes sur lesquelles je pouvais compter : Père, Mère, Arion... C'est chose logique, c'est ma famille après tout...
Toujours est-il que c'est cette "ambiance" que je voulais fuir. Même si fuir ne me paraît pas être le bon mot, je n'arrive pas à trouver mieux.
Pour le peu de gens que je fréquentais, j'apparaissais comme quelqu'un de froid, cynique et insensible. Néanmoins, peu m'importe les réactions du commun des mortels. Mais peu m'importe, vraiment !
Je suis effectivement comme ça. Plus rien ne m'émeut. J'agis toujours selon les codes de la magie que mon père m'a appris. Mais là où certains magiciens ne veulent se permettre d'aller, moi, je franchis la porte sans aucune crainte. Certains me pensent amoral, et pourtant, ils reconnaissent que ça a souvent du bon...
Je donne l'impression d'avoir roulé ma bosse un peu partout sur ce monde. Néanmoins, n'exagérons pas. Je suis quand même beaucoup trop jeune pour prétendre tout savoir du monde qui nous entoure. De plus, mon âge ne me permet pas qu'on me qualifie de "vieil ermite". Je préfère plutôt me qualifier de pélerin.
Depuis mon départ, j'arpente les chemins de ce monde. Oh, c'est si peu de chose. Je n'ai jamais vraiment pris le temps de partir très loin. Ceci étant, mon parcours est bien différent de ceux des magiciens qui se contentent de prendre des cours de magie à l'Académie de Geffen. Je suis un autodidacte.
Mon professeur s'appelle la nature. C'est une excellente conseillère doublée d'une entité qui octroie aux mages leurs aptitudes. Car en y réfléchissant bien : le feu, l'eau, l'air... Tout ceci n'est que l'oeuvre de la nature, elle-même créée par les Ases. C'est en entrant en contact avec les esprits de la nature, après bien des heures de méditation et de solitude que je pus apprendre tout ce que je sais actuellement. Tout ce savoir, je voudrais pouvoir le mettre à profit pour protéger celle qui me l'a transmis.
On ne compte plus les magiciens qui ont péri en voulant dominer les pouvoirs de la nature... Pourtant, on gagne bien plus à la comprendre...
Je suis en train d'admirer Geffen de loin. Ma ville natale n'a pas changé depuis le jour où je l'ai quittée. Pourtant, je sais que je n'y serai plus le bienvenu. J'ai quitté le bercail et d'une certaine façon, j'ai renié ma famille ; une famille très connue dans la ville de Geffen.
Mais je ne regrette rien. Je l'ai cherché. J'espère juste ne pas revoir du monde que je connais.
Mais l'examen de magie se passe là-bas. Je dois m'y soustraire. Dès que j'ai le diplôme et l'habit officiel du mage, je quitterai Geffen une nouvelle fois. Je suis serein quand à l'examen. Je suis de toute façon méconaissable. On ne me reconnaîtra pas...
D'une certaine façon, je fais encore honneur à ma famille en devant mage...
Mais j'écris trop. Je pense que je vais m'arrêter là. Je pourrais écrire des pages entières sur l'homme noble tel que je le connais. Je ne peux renier mes origines, mais je ne peux non plus les apprécier à leur juste valeur...
Ceci n'est qu'un bref résumé de mon court passé. Celui de ma famille est autrement plus long. Si le temps m'en est donné, peut-être prendrais-je le temps de décrire quelques petits événements auxquels les "grands" Aulin ont participé... En attendant, je dois accomplir ma destinée et faire honneur aux enseignements que les esprits ont pu me prodiguer.
Et qui sait... En suivant les paroles des esprits de la nature, peut-être aurais-je un destin autre de celui que les aristocrates voulaient me faire suivre...
A plus tard, ô journal. Nous reparlerons de tout cela plus tard...
Jour XXX, Mois XXX, An XXX.
Jour XXX de mon initiation magique
Sujet: Carnet journalier de Malbius 
Mar 23 Sep - 1:12